LX Fin d’un couple atypique
Elle rentrait d’une semaine à Bordeaux, fin juillet-début août, chez sa grande copine Kagera. Elle voulait que son fils connaisse très bien ses enfants, qu’il devait considérer comme ses cousines. Après des mois de vie de couple décomposée par sa chambrette de Prayssac, ces grandes vacances ne nous permettaient pas de véritables retrouvailles mais son fils revenait avec nous, ce qui annonçait une année où je devrais le conduire au foot, à la piscine, être à leur service... Là, il était reparti un mois "au chalet" avec son père.
- Il y a des couples qui vivent comme ça durant des années, parce qu’ils ont un problème, et nous on a un problème et je ne me sens pas obligée de faire l’amour si je n’en ai pas envie.
Elle devait, en ce mois d’août, repartir une semaine, en Avignon, chez son grand ami homosexuel Pascal, son prof préféré à Djibouti, alors aimé « en secret ».
« Maintenant qu’elle apprécie la sodomie, elle va lui proposer... ? » Ma confiance en elle en était au point qu’une telle question me traversa l’esprit.
Une nouvelle organisation se mettait en place : nous nous verrions peu durant les périodes scolaires où son fils nous servirait de réducteur des scènes et durant les vacances, quand son fils séjournerait avec son père, elle partirait fréquemment chez "des amis." Nous n’en avions "naturellement" pas discuté. C’était ainsi. Elle agissait donc avec moi comme avec le Bertrand, qui se mettait parfois en colère quand elle lui annonçait un matin son départ pour quinze jours chez Kagera. « Je n’ai jamais vu l’utilité de lui en parler avant puisque j’avais envie d’y aller. Je n’allais quand même pas lui demander l’autorisation. » C’est ce qu’elle me raconta en 2008. Je lui avais précisé que ce n’était pas conception du couple... et elle m’expliqua avoir toujours décidé et les autres devaient suivre ou tant pis pour eux. Nous avions réabordé ce point en juin 2010 et elle fut d’accord : partout où elle irait ce serait avec moi, nous formerions un couple fusionnel. Nous ne formerions plus jamais un couple fusionnel. À force de retourner tout cela dans ma tête, j’ai fini par hurler :
- Tu changes de comportement ou tu pars !
- Je n’ai pas à changer de comportement.
- Tu m’avais promis de ne jamais aller ailleurs sans moi.
- Tu ne veux aller nulle part, avec tes bêtes, ta peur du soleil, ta peau plus fragile que celle d’un bébé. De toute manière, tu n’aimes pas mes amis.
- Tu m’avais promis de ne jamais retourner dans un restaurant avec un homme, même Pascal tu avais ajouté.
- Tu es vraiment jaloux.
- J’ai des raisons d’écouter mes cauchemars.
- Tu as eu des cauchemars ?
- Comme si tu ne le savais pas ! Quand je me lève à trois heures du matin, que je vais dans la salle de bains, que je vais dans le salon durant une heure, que fais- tu ?
- J’essaye de me rendormir car tu as tout fait pour me réveiller.
- Tu changes de comportement, tu es vraiment dans notre couple, tu te comportes amoureusement, tu me montres de l’amour…
- Comment veux-tu que je te montre de l’amour alors que ça ne va pas entre nous, qu’il y a un problème.
- Alors tu pars ! Dégage !
- Très bien.
C’était le 7 août 2012. Elle est partie le 19. Notre mariage fut programmé au 20 août 2011 mais retardé car sa chère Kagera jura ne pas pouvoir y assister, pour cause de vacances réservées !... Kagera pour qui Patrick s’est converti : jamais elle n’a accepté que « son amie » vive dans le haram, comme elles prophétisent.
Ai-je simplement couru après cette semaine d’octobre 2008 où nous avons passé de « merveilleuses vacances faites de complicités et frénétiques unions » ? Elle a brisé le possible, le merveilleux, avec son exigence. Aimer, je l’ai toujours conçu comme accepter l’autre, même dans ses défauts. Elle a voulu me métamorphoser en mouton. En la regardant partir, j’ai souri en pensant « Il ne faut jamais accepter de devenir un mouton. Encore plus avec une femme musulmane. » Et j’ai repensé à septembre 2009 où du même endroit je l’avais observée, cette fois-là partant avec Kagera, et un bras d’honneur a fusé, ponctué d’un simple « bon débarras. »
Le roman de la révolution numérique, de Stéphane Ternoise
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